Les modèles motivationnels du joueur (Enjminales 2016)
Un Game designer doit savoir désapprendre ce qu’il sait pour se mettre dans la peau du joueur. C’est en soi un exercice difficile que d’ignorer ce que l’on sait pour porter un regard naif sur un sujet que l’on maitrise. C’est doublement difficile du fait que l’on ne pense que comme un type de joueur et il est impossible de s’imaginer toutes les façons dont différents joueurs peuvent penser.
Lors de sa conférence, Pierre Buty nous a présenté les modèles motivationnels et comment ils peuvent aider les game designers à mieux prendre en compte des personnalités de joueurs à l’opposé de la sienne.
Typologie des joueurs de Bartle
Schéma des types de joueurs selon Bartle, lien vers format accessibleClassiquement, les game designers connaissent les 4 types de joueurs de Bartle souvent complétée par des actions typiques proposées par Amy Jo Kim
La principale limite de ce modèle est qu’elle s’oriente sur des traits extrêmes par une distribution bi-modale des valeurs.
Quand on observe les joueurs, on s’aperçoit que la distribution des joueurs suit plutôt une loi normale. (vous vous rappelez la courbe en cloche de vos cours de statistiques ?) En positionnant ses joueurs cibles, on se retrouve vite avec un blob au milieu du cadrant, dans l’angle mort.
Plutôt adapté aux MMORPGs, le game designer ne dispose d’aucune information sur le joueur tant qu’il ne s’est pas connecté.
C’est un bon début, mais pas si pratique comme aide à la décision, un peu comme les mesures de l’homme moyen aide à mieux concevoir des dispositifs physiologiquement adaptés à… pas grand monde.
Le Big 5
Depuis 2012, Jasin Vanderberg a présenté une “nouvelle” approche basée sur le modèle du Big 5, issue de la psychologie de la “personnalité”. Plutôt que partir des comportements et motivations dans le jeu, le Big 5 définit des traits de personnalité à la source des comportements. Il peut donc s’appliquer à différent contexts, y compris le jeu vidéo. Je met “nouveau” entre guillemets car le Big 5 est un concept des années 80s, la dernière version datant de 85 et nommée “NEO five-factor personality”.
Exemples de personnages connus de chaque côté du spectre de personnalité.
Les traits de personnalité sont évalués par questionnaire et découpés en 5 dimensions: l’ouverture (d’esprit), la conscienciosité (exigence), l’extraversion et le névrotisme (la force du trait). Sur chaque dimension, il n’y a pas d’extrêmité noble, chacune à son rôle à jouer, et chaque combinaison donne des traits de personnalité spécifiques.
Utiliser le Big 5 en game design
Définir le profil cible de son jeu
Exemple de profil Big 5 représenté sous forme de barres avec une zone grisée sur chacune pour indiquer les tendances pour un jeu factice
On peut définir pour chaque jeu une fourchette sur chacune de ces dimensions. Cette fourchette permet de choisir à quel type de caractère le jeu va plaire. Il va aussi faciliter les décisions en identifiant à quel type de caractères le jeu va déplaire. Ainsi, en recueillant les retours de joueurs, on pourra plus facilement se dire que si untel n’est pas content du jeu, et qu’il est en dehors de la fourchette visée, eh bien tant pis! Ce jeu n’est pas fait pour lui plaire.
Exemple de profil Big 5 représenté sous forme de barres avec une zone grisée très large sur chacune pour indiquer les tendances pour un jeu grand public factice
Sur les très grosses prod grand public, on vise un public très large, donc on va choisir des fourchettes plus large sur chaque dimension.
Exemple de profil Big 5 représenté sous forme de barres avec une zone grisée étroites sur chacune pour indiquer les tendances pour un jeu “niche” factice
Sur un jeu destiné à une niche, on s’intéressera à un curseur plus fin sur certaines dimensions que sur d’autres. Sur cet exemple de jeu niche, vous traiteriez les retours de joueur selon qu’ils correspondent à ce profil.
Utiliser le profil de son jeu pour mieux exploiter les retours et critiques
Exemple de profil Big 5 du joueur A.
Les barres grisées indiquant son profil ne se superposent pas avec celles du graphique pour le jeu.Vous laisserez de côté les retours de ce joueur A qui ne correspond pas à ceux que vous visez. Ses caractéristiques ne correspondent pas a celles définies dans le profil des joueurs auxquels le jeu s’adresse. Il ne sera pas content. Ce n’est pas grave, car ce n’est pas pour lui que le jeu est conçu.
Profil Big 5 du joueur B dont les barres grisées se superposent avec celles du jeu
Vous prendrez en compte les retours de ce joueur B proche de votre cible. Les caractéristiques du joueur correspondent à celles identifiées dans le profil du jeu. Ce joueur devrait être content du jeu, ses retours doivent donc être pris en compte.
Bien entendu, plus vous voulez couvrir des zones larges et répondre aux attentes de plus de joueurs, plus le jeu sera de grande envergure et demandera un investissement conséquent. C’est le cas d’un jeu “star wars”.
En identifiant bien grâce à cette approche à qui vous voulez plaire et déplaire, il sera plus facile de savoir si une feature est optionnelle ou indispensable. Ce modèle aide les game designers à garder le cap et à réagir plus sereinement aux critiques.
Si votre non cible vous dit que votre jeu est nul, c’est que vous avez bien fait votre travail de game designer !
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