Optimisation d'un ERP
- Les ERP : revue de littérature
- Les problématiques liées aux ERP
- La (re)naissance d’un ERP
- Du gameplay dans les marges de manœuvres
- Objectifs fixés pour le projet
- Améliorer les conditions de travail et la productivité : proposer des modifications concrètes et réalistes
- Faire évoluer la demande
- Systématiser l’intervention ergonomique dans les projets internes
- Croiser ergonomie du travail et ergonomie web
- Evaluer le ROI de l’intervention ergonomique
- Identifier les points de développement de ma pratique
- Conclusion sur la demande
- Le beurre, l’argent du beurre, et le rapport d’activité avec…
- L’intervention ergonomique comme acte pédagogique
- Bilan et ROI d’une intervention ergonomique sur un ERP
- Références et bibliographie
Les ERP : revue de littérature
De l’analyse du besoin à la mise en oeuvre de recommandations, la prochaine série de billets dédiés au projet GCM détaillera tour à tour les constats liés aux usages et à l’impact de l’ERP sur la situation de travail d’une part; et le processus d’évangélisation autour de l’ergonomie que cela m’a permis de mener d’autre part.
Ce post sur le projet GCM fera le focus de façon très concrète sur les méthodes mises en oeuvre, les résultats obtenus, les difficultés rencontrées et l’évolution de la perception de l’ergonomie et de sa valeur ajoutée par les différents acteurs du projet : commanditaires comme utilisateurs.
Mais qu’est ce qu’un ERP ?GCM est un ERP ou progiciel de gestion intégré. Il s’agit d’un logiciel centralisant les différents outils de gestion utiles à l’ensemble des employés. Les ERP ont pour objectif de faciliter le traitement des données de gestion, d’éviter les redondances et d’assurer l’intégrité de l’information. A cette fin, ce logiciel intègre les composantes fonctionnelles de l’entreprise de la comptabilité à la production, des actions commerciales et des ressources humaines, mais aussi de la logistique et du contrôle de gestion.
Origine des ERP
Les ERP se sont développés progressivement depuis les années 60, en évoluant des MRP (pour Materials Requirements Planning). Le MRP est un progiciel permettant de calculer les besoins en matières et composants d’un processus de production. Ce modèle a évolué pour prendre en compte progressivement des contraintes plus complexes, telles le besoin de pouvoir ajuster le plan de production en fonction des prévisions de vente. Dans un second temps, il s’est développé vers une gestion plus large des ressources de production. La résultante fut le MRP2, pour Manufacturing Ressources Planning.
Ce n’est que dans les années 90 que le MRP2 s’est étendu à l’ensemble des fonctions de l’entreprise, devenant par la même occasion l’ERP, pour Enterprise Ressources Planning. Les ERP ont alors connu une expansion considérable, en venant remplacer les systèmes informatiques vieillissants à l’aube de l’an 2000. Les ERP ont pour vocation d‘optimiser les flux financiers et logistiques de l’entreprise, par l’optimisation de l’usage des ressources, qu’elles soient humaines ou matérielles.
Avantages liés à l’utilisation d’un ERP
L’ERP remplace les routines complexes et interfaces manuelles avec différents systèmes standardisés, et automates transactionnels multifonction. Les délais entre le placement d’un ordre et la livraison de la production peuvent ainsi être réduits.Cette mise en œuvre des process améliore les réponses aux clients et vitesses de livraison. (McAfee 2002, Cotteleer, 2002)
De la même façon, les transactions financières automatisées de la sorte réduisent les temps de « cash-to-cash » et le temps requis pour harmoniser les données financières en fin de trimestre. Cela résulte en une réduction de l’opération sur le capital et la comptabilité dans le domaine financier. (Hendricks, 2005)
Un autre apport des ERP est que l’ensemble des données est collecté par l’entreprise durant la transaction initiale, stockée de façon centrale et mise à jour en temps réel. Ceci assure que tous les niveaux du planning sont basés sur les mêmes informations. Le planning résultant reflète donc de façon réaliste les conditions de fonctionnement de l’entreprise. Par exemple, une prévision développée de façon centrale assure que l’opérationalisation des process reste synchronisée et permet à l’entreprise de fournir des informations cohérentes aux clients. (Bancroft, 1998).
Mises en commun, les transactions standardisées au niveau de l’entreprise et stockées de façon centralisée facilitent grandement la gestion de l’entreprise. Les rapports générés à partir de l’ERP fournissent aux managers une vue claire des performances relatives des différentes parties de l’entreprise. Cette vue d’ensemble permet en retour d’identifier les besoins d’améliorations et de saisir les opportunités du marché.
Les problématiques liées aux ERP
La mise en place d’un ERP dans une entreprise entraine des changements dans l’organisation du travail et suscite des problématiques connues. Ma première approche pour mon mémoire a été de faire un état de l’art des connaissances sur les ERP.
J’ai été surprise de constater que malgré une très bonne documentation, les difficultés rencontrées n’en sont pas pour autant adressées. Une approche s’est dégagée comme grille de lecture particulièrement intéressante : la théorie de la collaboration appliquée à l’interaction homme-système.
La mise en place
Une revue de littérature réalisée par Moon (2007), met en évidence l’intérêt porté aux ERP par différentes disciplines. A partie de 313 articles scientifiques publiés entre 2000 et 2006, sur le sujet des ERP, dans 79 revues, relevant du domaine du Management, de l’Informatique, de l’économie, du business et des sciences humaines.
Les thèmes abordés par ces articles couvrent largement l’implémentation des ERP dans l’entreprise, l’usage des ERP dans le cadre de la prise de décision, leur fonction et leur maintenance. Ils couvrent également la question de leur extension, leur valeur, les perspectives d’évolution et la formation.
L’implémentation de l’ERP est un sujet critique pour l’entreprise et le plus largement traité dans la littérature : plus de 40% des articles recensés sont dédiés à ce sujet, avec une focale sur les facteurs de succès de l’implémentation et les changements que cela implique. Ils comprennent de nombreuses études de cas.
Les articles traitant de l’usage relèvent les questions de l’acceptation de l’outil, la satisfaction utilisateur, les modifications de process entrainées par l’adoption de l’outil jusqu’à la gestion des risques et l’étude de modules spécifiques.
Un bon nombre de problématiques liées à l’utilisation d’un ERP ont été mises en évidence, à commencer par le besoin de maintenance continue, la pérennité de la solution et la captivité vis-à-vis de l’éditeur.
Comme vu précédemment, une grande partie de la littérature est consacrée à la difficulté de mise en place des ERP, avec en tête des sources de difficulté :
- La méconnaissance des processus de l’entreprise
- La nécessité d’adapter certains processus au progiciel
- La sous utilisation, liée à un périmètre fonctionnel plus large que les besoins de l’organisation
- La non couverture de tous les besoins par l’ERP
- La complexité, lourdeur et rigidité de sa mise en œuvre
- Et la difficulté d’appropriation par le personnel.
L’usage et l’utilisabilité
Dans le cas de mon projet, le progiciel est réalisé en interne et a été mis en place il y a plus de 10 ans. Les questions liées à l’implémentation d’un ERP sont donc moins prégnantes, bien que non absentes. Nous détaillerons donc plus particulièrement les difficultés liées à l’usage et l’utilisabilité, plutôt qu’à la question du changement.
En effet, une utilisabilité faible, telle qu’une tâche d’une complexité non nécessaire et des réponses aux erreurs inadéquates de la part du système a un impact sur l’acceptabilité, l’usage et le succès de l’implémentation de l’ERP.
Babaian (2005) pose le constat que le gain de productivité liés à l’implémentation d’un ERP est souvent réalisée au dépend de gros problèmes d’utilisabilité. Son étude de terrain propose une catégorisation des difficultés rencontrées lors de la première année d’utilisation, sur la base de transcripts d’entretiens semi-directifs analysés par méthode des juges.
Elle met ainsi en évidence 6 problèmes d’utilisabilité :
Identification et l’accès à la bonne fonctionnalité
Les connaissances requises pour accéder au bon écran ne sont pas accessibles à tous : navigation par codes, liens peu visibles et ne proposant pas de chemin direct vers l’information, chemins d’accès multiples et cryptiques.
Exécution des tâches
L’ERP requiert de saisir plusieurs fois les mêmes informations, ce qui est source d’erreurs et d’inconsistances, en plus d’augmenter les besoins de stockage. Les utilisateurs ont recours à des « cheat sheets » pour faciliter les saisies.
Limitation des sorties
Le système ne permet pas d’afficher les informations dont a besoin l’utilisateur, ce qui se traduit par des exports de données brutes, afin de les traiter sous Excel, par exemple.
Support en cas d’erreur
Les messages d’erreur sont trop généraux pour informer l’utilisateur, ce qui entraine des pertes de temps à chercher l’origine du problème.
Terminologie
La terminologie employée est différente de celle utilisée avant l’implémentation de l’ERP, ou spécialisée pour un corps de métier. Cela rend difficile la compréhension des interfaces et crée des attentes erronées quant à la destination des liens. L’aide est structurée selon l’ERP et non selon les process. Aucun glossaire ne permet de comprendre le vocabulaire métier inconnu.
Complexité globale du système
Le système est un ensemble intégré et complexe d’informations, destinées à des corps de métiers très différents, avec des process très différents. En plus de gérer l’ensemble des informations pour un type d’opérateur, celles-ci sont noyées dans des informations non pertinentes pour l’exécution de son travail. Le nombre d’écrans à parcourir pour effectuer une tâche est élevé.
Aborder les ERP par la théorie de la collaborationTous ces éléments correspondent à des points de la théorie de la collaboration : manquement en termes de communication, référent commun, compréhension et appréhension commune de la tâche, travail simultané… Babaian (2006) propose de considérer ce corpus pour améliorer l’utilisabilité des ERP.
Babaian postule qu’avoir recours au modèle de la collaboration homme-machine dans le processus de design permet de résoudre ces difficultés. Ce modèle du système-partenaire vise à faire de l’outil un assistant pour l’utilisateur, dans la mesure où ses besoins sont compris et soutenues par le système.
- Un des principes centraux de cette collaboration est l’engagement au support : un parti reconnait le besoin d‘aide de l’autre partie pour compléter une sous tâche correctement.
- Un second principe correspond à l’engagement à réaliser l‘activité de façon concomitante. Ceci implique de connaitre et reconnaitre l’activité en cours.
- Le troisième principe est celui de la réponse mutuelle : chaque parti de la collaboration ajuste son comportement à celui de l’autre, guidé par l’activité concomitante.
Sans que ce soit formalisé en ces termes, on retrouve ces notions dans la demande émise concernant GCM.
La (re)naissance d’un ERP
Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion de faire un travail approfondi sur un ERP, en déroulant la démarche ergonomique dans son ensemble.
Pour comprendre les enjeux du projet GCM, ses challenges et ses enseignements, il faut commencer par présenter la demande à son origine. Elle n’est pas intéressante par le besoin de reformulation qu’elle présentait, mais par le double discours des interlocuteurs projet. Quelles conclusions tirer d’une demande formulée de deux façons totalement contradictoires ?
La demande initiale
La vision du commanditaire m’a été présentée en premier. Ergonome de formation lui-même, il proposait le déployement de la démarche ergonomique complète :
- L’ERP, développé en interne, a besoin d’une refonte ergonomique et graphique en profondeur.
- L’outil est présenté comme pénible d’usage, inutilement complexe et difficile d’accès
- Les travaux ont une triple portée : optimiser l’ergonomie des nouveaux modules d’une part et améliorer l’existant à long terme d’autre part, à travers la conception d’une charte ergonomique et d’améliorations module par module à raison de sous projets de deux mois par modules.
- Deux modules sont en cours de préparation (ajout d’une page personnalisée et gestion des absences) et feront partie du périmètre du projet.
Un premier contact avec le terrain, et quelques observations in-situ opportunistes m’ont permis de très vite me rendre compte de la pénibilité et les pertes de temps quotidiennes associés à l’utilisation de cet outil.
Lorsqu’enfin j’ai rencontré le directeur responsable du projet, j’ai été surprise de la teneur de la demande officielle :
- L’Outil développé en interne décrit comme un mille feuilles enrichi au fil du temps. En conséquence, faire évoluer les modules existants est devenu compliqué
- La demande première est un rafraichissement graphique des interfaces pour rendre l’utilisation plus agréable.
- Une charte ergonomique est attendue pour afin d’harmoniser et rendre cohérents la navigation et la structure des différents écrans
- L’attention aux temps de réponse des pages est très important.
Enfin, l’entretien se conclut par une volonté de la direction : « que les gens ne pestent pas à chaque fois qu’ils doivent s’en servir ». Il est donc également question de réduire la pénibilité de l’usage, mais les moyens sonnent comme des miracles cosmétiques. Les plaintes des opérateurs sont toutefois entendues et à la source de la demande. En filigrane, indépendamment des moyens, il y a une volonté de faire de l’ERP un assistant, facilitant le quotidien des utilisateurs.
Existant et travaux antérieurs
Avant mon intervention sur le projet, quelques travaux d’ergonomie avaient été amorcés : un audit et la production de wireframe pour les nouveaux modules.
L’audit avait mis en avant les points suivants :
- Un outil fonctionnel mais laborieux à utiliserDes incohérences / homogénéité de l’interface rendent la navigation compliquée.
- Les parcours utilisateurs ne reflètent pas les processus métiers
- Les formulaires sont inutilement complexes, et suscitent des erreurs de saisie (notamment dans le rapport d’activité).
- L’outil ne fournit pas suffisamment d’informations de synthèse.
- L’habillage graphique est jugé vieillot et incohérent avec l’identité de l’entreprise.
A titre illustratif, la structure de l’ERP se découpe classiquement comme dans l’illustration ci-dessous. Cette structuration est la classification la plus simple, toutefois elle force l’utilisateur à passer systématiquement d’une rubrique à l’autre pour accomplir une tâche unique.
Le logiciel est organisée en trois zones : le header regroupe des éléments de navigation et de configuration de l’interface. Des favoris sont affichés en colonne de droite proposant un accès rapide parmi les contenus, à ceux choisis par l’utilisateur. Le cœur de page affiche un plan du site partiel, reprenant les principaux modules du logiciel.
Lors de l’accès à une rubrique de niveau 1 du site, l’utilisateur arrive sur un sous accueil présentant en cœur de page les modules du niveau 2.
Du gameplay dans les marges de manœuvres
En termes de recommandations, les limites budgétaires se traduisent principalement par une volonté de ne pas surcharger l’équipe de développement. Ainsi, s’il est question de permettre une refonte graphique, donc de mettre en place la charte ergonomique à l’occasion d’un nouveau montage html, il n’est pas réellement question de modifier des fonctionnalités en profondeur.
Les recommandations idéales seraient 10 points d’amélioration synthétiques à valider qui « changeraient la vie » des utilisateurs. Ainsi le projet passe d’une grande envergure à un grand challenge. Toutefois, cette demande prend une forme à la fois très contraignante en termes de marge de manœuvres, et très libre en terme de scope.
Derrière ces contraintes se cache une réalité : plus les recommandations sont de grande envergure, moins elles ont de chances d’être mises en œuvre. Ainsi, par cette contrainte, c’est une amélioration concrète qui est visée, plutôt qu’une proposition idéale et irréaliste. Voilà probablement le premier enseignement que j’ai tiré de ce projet et qui est valable aujourd’hui encore à chacun de mes travaux.
Objectifs fixés pour le projet
Dans le cadre du projet GCM, je m’étais donnée des objectifs que je pensais ambitieux, mais atteignables pour part professionnels et pour d’autres purement personnels. De toute façon, je trouvais le challenge stimulant. Je ne m’attendais pas à tous les atteindre, mais cela m’aurait permis dans tous les cas d’apprendre beaucoup sur ma pratique, à défaut. Voici le détail de ces buts, pour lesquels chaque prochain billet construira une part de l’histoire et sur lesquels je reviendrais en conclusion.
Améliorer les conditions de travail et la productivité : proposer des modifications concrètes et réalistes
Comme le rappelle Marie Bellemare (2001) « L’ergonomie porte la finalité de « transformer » : rendre le travail davantage compatible avec la santé de ceux et celles qui le réalisent. ». L’intervention n’a de sens pour les acteurs que si elle amène des transformations concrètes.
Faire évoluer la demande
Pour aller vers une plus grande marge de manœuvre: il fallait attirer l’attention sur le module imputations, particulièrement pénible à utiliser. « En plus de déployer des méthodes pour analyser les situations de travail, en comprendre les déterminants et en établir les cibles de transformation, les ergonomes doivent aussi préparer le terrain afin de rendre possibles les changements qu’ils proposent. » (Bellemare 2001)
Systématiser l’intervention ergonomique dans les projets internes
Les développeurs avaient réalisé pour le module congés une première maquette sous Powerpoint, et l’ont soumise à un ergonome. Ce dernier a fait ses recommandations, et a présenté celles-ci au directeur et à l’équipe technique. Par rapport à ce premier pas, mes objectifs étaient d’impliquer les utilisateurs finaux dans la démarche.
Croiser ergonomie du travail et ergonomie web
Une de mes principales motivations personnelles pour ce projet était de l’utiliser comme support à la communication autour de la pratique de l’ergonomie, afin de donner une vision plus complète de l’ergonomie aux interlocuteurs. L’idée était de promouvoir l’implication des utilisateurs dans les process à travers l’analyse de l’activité, les tests utilisateurs, avec ce qu’elle implique de conception du travail et de l’opérateur.
Evaluer le ROI de l’intervention ergonomique
Pour comprendre le retour sur investissement, il faut identifier ce qui dans la pratique contribue au développement de l’ergonomie.
Pour développer l’offre en ergonomie de l’entreprise comme à destination de ses clients, ce projet permettrait d’évaluer le ROI de l’intervention, premier pas vers le développement des offres de ce type, avec des chiffres à l’appui.Cette approche visait également à déterminer parmis les méthodes utilisées, lesquelles pouvaient constituer les meilleurs leviers de communication
Identifier les points de développement de ma pratique
A titre purement personnel, quel est le regard que je porte sur l’ergonomie ? Quels aspects du métier sont mes moteurs et armes ? Quels sont mes freins ? Par rapport à ce projet, quels sont les points à améliorer et ceux à valoriser ? Autant de questions qu’une prise de recul sur mon travail, pour laquelle le projet est une occasion unique, me permettra d’aborder, afin de définir ce que sera ma pratique de l’ergonomie et le sens que prendra ma carrière.
Conclusion sur la demande
Plusieurs variantes de la demande, selon le degré de connaissance de l’ergonomie des interlocuteurs m’ont permis de focaliser mon action sur l’amélioration de la productivité à travers une réduction de la pénibilité d’utilisation d’un outil pour les opérateurs.
Disposant de marges de manoeuvres importantes sur la démarche, ce projet fut l’occasion pour moi d’inclure les utilisateurs dans le process d’amélioration de l’outil. Dans des articles ultérieurs, je présenterai quelques quelques résultats potentiellement transférables à d’autres cas et répondant à la fois aux objectifs d’amélioration et d’évangélisation.
Et vous, avez-vous déjà travaillé sur l’ergonomie d’un ERP ?
Le beurre, l’argent du beurre, et le rapport d’activité avec…
Un des modules les plus étudiés lors de mon intervention ergonomique sur l’ERP GCM fut le module ‘Rapport d’activité’. Ce module permet à la direction d’avoir une vue d’ensemble des projets d’un point de vue financier. Pour cela, les opérateurs doivent rapport la répartition de leur temps de travail sur différent postes (projets, congés, formations, etc.).
Après une brève revue de littérature et un rappel de la méthodologie, cet article présente et explique les stratégies mises en place par les opérateurs pour faire tenir le réel dans les cases et comment le rapport d’activité dans un ERP peut fausser les indicateurs…
Qu’est ce qu’un rapport d’activité ?
Saisir ses temps sur le bon projet”Je sais sur quel projet imputer ma tâche, mais je ne le trouve pas dans GCM”Dans la majorité des cas, les opérateurs savent sur quoi imputer leurs travaux. Ils rencontrent toutefois des difficultés liées à l’outil ou à un aspect organisationnel :
- Le projet recherché est noyé dans une multitude de résultats de recherche
- Le code et nom du projet ne sont pas explicites et ne peuvent pas être reconnus par les opérateurs.
Dans ces cas, les utilisateurs font appel à différentes stratégies faisant appel à d’autres fonctions de GCM dans un premier temps :
- L’opérateur recherche le client et tente de retrouver le projet en fonction de ses dates de début, fin et de son statut
- L’opérateur ‘espionne’ les rapports d’activité de collègues dont il sait qu’ils ont travaillé sur le projet avant ou en même temps que lui
- L’opérateur effectue une recherche sur le département ou chef de projet auquel est rattaché le projet, s’il en a connaissance
- Enfin, certains opérateurs passent par le suivi de tâches dans un autre outil, tel que Redmine ou Mantis
Cela ne suffit toutefois pas toujours, notamment dans les cas où
- Personne d’autre n’est encore intervenu sur le projet
- Le client n’est pas connu
- Le projet n’a pas encore été créé
L’opérateur se tourne alors vers l’humain et pose la question à un collègue, à un commercial, au chef de projet ou à son manager… ce qui résoud généralement le problème.
Une fois le projet connu, la tâche est moins contraignante, mais peut rester complexe. Les stratégies existantes et efficaces sont peu répandues :
- Mémoriser le projet dans ses favoris. La majorité des opérateurs n’en connait pas l’existence ou ne sait pas en ajouter.
- ‘Copier’ entrée du rapport du mois précédent. Cette action à des comportements imprévisibles : la copie se fait sur le mois en cours ou passé selon une action d’administration inconnue des opérateurs. Si elle se fait sur le mois passé, cela défait le travail de le l’opérateur, de son chef de projet et de l’équipe comptable…
Mais le plus difficile n’est pas d’utiliser l’interface, mais bien de faire tenir le réel dans les cases.
Faire tenir le réel dans les cases
“Je ne sais pas sur quel projet imputer ma tâche”La recherche d’un projet connu peut être laborieuse, encore faut-il savoir quel projet chercher.
Les imputations sont saisies par journée. Une journée correspond à une valeur de 1. Pour une demi journée, il faut donc saisir 0,5, et 0,25 pour deux heures. Il est possible d’imputer à hauteur de 0,135 pour une heure de travail, mais pas moins.
Pour les tâches inférieures à 1h, la consigne est de les imputer sur la plus grosse tâche de la journée.
Très rapidement, les opérateurs rencontrent un ensemble de difficultés pour faire tenir le réel dans les cases. Le quotidien implique des tâches pour lesquelles aucun projet n’existe :
- coordonner des prestataires externes,
- effectuer le suivi de projets passés,
- former un stagiaire,
- sans oublier les tâches administratives telles que saisir son rapport d’activité…
Certaines journées sont fragmentées en nombreuses micro tâchesLes heures supplémentaires ne sont pas gérées et sont soit ignorées soit converties en un équivalent de 8h au prorata par projetLes matinées de 3h30 et les après midi de 4h30 correspondent à une durée rapportée équivalente de 0,5 : un 0,5 le matin représente moins de travail qu’un 0,5 l’après midi…
Ceci entraine une première cause de bidouillage :
- Les opérateurs n’imputent pas en dessous de 0,25 s’ils peuvent l’éviter
- Les projets auxquels l’opérateur consacre 1h par jour pendant une semaine ne sont généralement pas identifiés, bien que le total corresponde à une imputation de 1Les tâches qui n’existent pas dans le rapport cannibalisent les projets existants
- Saisir le temps réel passé sur une tâche, par exemple, 1.23 revient à glisser un petit caillou dans une mécanique bien huilée : cela bloque la machine car cela demande à l’équipe entière de faire des calculs complexes pour retomber sur un temps arrondi correspondant à celui alloué.
Une exploitation multiple des rapports pour des objectifs concurrents
“Je veux etre honnête, mais je veux aussi que mon boss ait son variable, et moi le mien !”
Le compte rendu d’activité doit refléter le plus fidèlement possible l’activité réelle des opérateurs. Il est utilisé à plusieurs fins :
- Suivre l’avancement du projet
- Détecter tôt les projets en difficulté et mettre en oeuvre des actions correctives (cadrage du client, signature d’un avenant, ajustement de la gestion du projet)
- Centraliser les informations en vue de la facturation client
- Fournir des indicateurs sur les sources de couts et recettes (projets, opérateurs, et départements, au niveau global de l’entreprise)
- Mesurer l’atteinte des objectifs des opérateurs et managers (part variable de la rémunération)
Strategies des opérateurs
Lors de la saisie de leur activité sur les différent projets, les opérateurs sont donc amenés à saisir non seulement le temps passé, mais à le répartir selon les catégories, ce qui rend encore un peu plus laborieuse la tâche. Voici les catégories en question :
- Facturable : le temps de l’opérateur contribue à un projet qui rapporte de l’argent. Faire du facturable, c’est bien pour tout le monde.
- Dépassement : le temps passé sur le projet dépasse le budget prévu. Imputer en dépassement diminue la productivité du projet, et donc sa rentabilité.Le dépassement, c’est bien pour la gestion de projet, mais c’est mauvais pour les opérateurs et le département.
- Gain : la tâche a été réalisée plus vite que prévu, une fois le projet fini, le temps restant est passé en gain. Le gain, c’est bien pour tout le monde, mais ce n’est pas avantageux pour les opérateurs.
- Interne : le temps est consacré à un projet qui ne rapporte par directement de l’argent mais sur une tâche prévue et financée par l’entreprise. Cette catégorie couvre le commerce, les formations, mais aussi les congés et l’inter-contrat. L’inter-contrat, c’est mal. L’interface demande aussi de saisir un reste à faire, c’est à dire le temps estimé pour terminer la tâche ou phase en cours du projet. Le reste à faire, c’est bien pour la gestion de projet.
Des stratégies conflictuelles
L’exploitation double des rapports d’activité pour la gestion de projet et la gestion comptable de l’entreprise a de nombreux effets pervers. Le sentiment de ‘flicage’ créé chez les opérateurs les pousse à travestir leur rapport pour répondre aux attentes des managers et chefs de projets, attentes qui sont incompatibles entre elles et avec les intérêts de l’opérateur.
- Les opérateurs cherchent à maximiser les saisies valorisantes (facturable) et à réduire les saisies dévalorisantes (dépassement et interne sur inter-contrat) en basculant les saisies ‘négatives’ là ou de la marge existe en saisie ‘positive’, y compris sur les tâches d’autres opérateurs
- Lorsqu’il y a du gain, il est souvent gardé de côté le plus longtemps possible et passé en facturable pour couvrir dépassement, inter-contrat et tâches ‘inexistantes’ sans pénaliser la productivité des projets en cours
- Le gain fait également l’objet d’une régulation collective et peut être transféré comme facturable d’un opérateur à l’autre.
Ces stratégies ne sont pas officialisée, mais connues et librement discutées, y compris avec la hiérarchie, qui s’en sert tout autant que les opérateurs pour améliorer ses résultats par des tâches de régulation collectives.
- Créer des tâches fictives avec du temps alloué pour avoir une marge de manœuvre supplémentaire
- Modifier les rapports d’opérateurs d’autres départements pour favoriser le sien
- Compléter le rapport d’activité de collaborateurs absents sur la base d’une vague idée de leur activité
- Réguler les saisies d’un moi sur l’autre en inversant la saisie entre un projet en cours et un projet futur sur lequel des travaux ont été entamés en avance de phase
Consignes de saisie
La consigne officielle est de saisir chaque semaine son rapport d’activité.
Pourtant, systématiquement les saisies sont réalisées en fin de mois. Le plus complexe dans la saisie du rapport d’activité, et ce qui fait que la tâche prend souvent une demi journée au lieu de dix minutes, c’est ce besoin de jongler entre le réel et l’attendu. Plusieurs stratégies de préparation existent. Prise de notes plus ou moins détaillée à la volée des tâches (calendrier numérique, post-its, fichier excel…) et régulation des micro-tâches par une somme en fin de mois.
Saisie de mémoire en fin de mois, car quitte à renseigner quelque chose de faux, pourquoi chercher à être réaliste : ces opérateurs n’ont recours qu’aux stratégies de correspondance aux objectifs.
Quelques opérateurs ont un comportement de saisie hyper-réaliste, qui gêne l’ensemble des collaborateurs, en réaction à l’absurdité perçue de la tâche
- La saisie en fin de mois est également favorisée par l’outil et la visibilité sur les régulations possibles : modifier une entrée existante est plus complexe qu’en créer une nouvelle
- L’opérateur dispose d’une meilleure visibilité sur son activité en fin de mois, sa saisie est plus réaliste car il peut additionner les micro-tâches
- L’opérateur a plus de visibilité sur les possibilités de régulation collective
Conclusion sur le rapport d’activité
Le rapport d’activité demande aux opérateurs de faire tenir le réel, avec ses subtilités, de façon réaliste dans des cases arbitraires. Ors, d’une part, le réel ne tient pas dans les cases :
- Il n’y a pas de case pour tout ce que le réel contient
- Les valeurs attendues ne reflètent en rien la réalité D’autre part, la double exploitation des données crée des stratégies de déformation de la réalité
- La saisie est la plus réaliste possible pour faciliter la gestion de projet
- Sauf si elle est dévalorisante pour l’opérateur ou le département, auquel cas la saisie est régulée individuellement et collectivement
En conséquence, le cas étudié de rapport d’activité ne répond pas aux objectifs pour lesquels il est mis en place :
- Côté gestion de projet, les données ne permettent pas d’anticiper les difficultés et de les prévenir
- Côté comptabilité ni de détecter les postes de coûts et de recettes pour optimiser la rentabilité et les process de l’entreprise, les estimations commerciales lors des ventes
- Côté management, les indicateurs sur les résultats des opérateurs et départements sont globalement meilleurs que la réalité.
Une piste pour obtenir des données plus fiables est de prévoir deux interfaces séparées : l’une pour faire les rapports d’activité, sans notions de gestion du budget, pour l’ensemble des opérateurs. De l’autre côté, exploiter ce rapport pour inférer la gestion budgétaire, sans passer par l’opérateur - en laissant le chef de projet seul gérer la régulation si nécessaire. Cela permettrait de gagner du temps sur les saisies, d’éviter le stress qui y est lié chaque mois et d’avoir de chaque côté, gestion de projet comme gestion de l’entreprise, des indicateurs fiables pour la tâche associée.
Par contre, les résultats observés vont sûrement changer du tout au tout et donner de la visibilité aux heures supplémentaires et aux résultats plus réalistes des départements. Cela solliciterait surement de la surprise chez la direction…
L’intervention ergonomique comme acte pédagogique
Les travaux réalisés pour des clients sont le plus souvent très cadrés, structurés et suivent un processus clairement défini, faisant une belle place à l’ergonomie de conception. Sur GCM, ces processs rodés ne sont pas appliqués, par souci d’économie sûrement, ou parce qu’il n’y a rien à vendre.
Ce delta est aussi le reflet de la méconnaissance de ce qu’est l’ergonomie, de sa valeur ajoutée. Les process existe, mais on ne sait pas trop pourquoi. L’opportunité de travailler sur un projet dans lequel les process étaient l’occasion idéale de bousculer ces acquis et d’élargir la vision de l’ergonomie.
La notion d’acte pédagogique
La démarche mise en place au cours de cette intervention ergonomique s’est voulue participative et collaborative par la confrontation entre connaissances en ergonomie et une large part dédiée aux savoirs des opérateurs et des spécialistes techniques. L’analyse de l’activité a permis de déterminer les stratégies utilisateurs, prises en compte dans les différentes propositions ergonomiques et graphiques, par petites touches peu couteuses pour s’assurer de leur implémentation.
En parallèle, la diversité des interactions et collaborations a contribué faire connaitre les principes de l’ergonomie.
Comme le rappelle Dugué, (2010), l’intérêt et l’efficacité des démarches participatives en ergonomie réside dans :
- La découverte des représentations des différents acteurs concernés des situations de travail et questions à traiter
- La prise de connaissance précise du travail réel et des coûts des différentes sollicitations des opérateurs
- La possibilité pour les personnes d’agir sur leur propre situation de travail dans un double objectif de santé et d’efficacité économique
- La pérennité de la démarche dans à travers la transmission de savoirs mis à l’épreuve dans les structures existantes ou celles mises en place pour l’intervention, après la fin de celle-ci.
L’ergonomie crée une démocratie participative temporaire, que nous avons pu observer sous la forme d’espaces de discussion et d’échange créés par les situations de recueil de données. Ces espaces dépassent la situation d’observation elle-même.
Ce sont également des liens tissés entre les acteurs qui ont permis par la suite des échanges plus informels lors de pauses café, avec des opérateurs moins impliqués et volontaires de prime abord.
Quelle que soit la situation, j’ai pris le parti d’envisager l’intervention comme un acte pédagogique, visant à transmettre aux opérateurs une vision plus vaste de l’ergonomie, mais aussi de transmettre les différents savoirs-faire mis à jours par ce biais aux individus, à travers des échanges répétés autour de nouveaux résultats.
Quels impacts sur l’intervention ergonomique ?
Le challenge de cette approche est qu’en plus de la dualité des objectifs, chaque étape de la démarche a dû être pensé à la fois en termes d’apport au projet, mais aussi de négociation des marges de manoeuvres disponibles pour mener à bien l’intervention.
A titre d’exemple, la diffusion à grande échelle d’une enquête a dû être négociée. La stratégie mise en place pour déployer la démarche s’est largement appuyée sur la flexibilité et persistance sur la méthodologie.
- Pour des raisons politiques, l’enquête à grande échelle n’était pas bienvenue car cela créerait trop d’attentes des utilisateurs.
- Un test utilisateur avec peu de participants était ok, par contre.
J’ai donc inclus mes questions d’enquêtes dans la foulée sur les quelques participants. En présentation des résultats, finalement, c’est le commanditaire qui m’a demandé de réaliser l’enquête, titillé par les bouts de données que je lui montrais.
Bilan et ROI d’une intervention ergonomique sur un ERP
Au début du projet GCM (un ERP), je m’étais fixé de nombreux objectifs. Parmi ceux-ci, plusieurs concernaient le développement de l’ergonomie dans l’entreprise. Au cours du projet, nous avons eu la chance de dérouler la démarche ergonomique dans son ensemble, de la reformulation du besoin à la conception de wireframe, en passant par de l’analyse d’activité, des enquêtes, entretiens et tests utilisateurs.
A la fin du projet, un changement de process s’est amorcé, l’ergonomie n’était plus perçue comme une application de bonnes pratiques, mais comme une démarche alliant étude et conception, dont les efforts sont rapidement rentabilisés. Cet article vous présente les résultats du projet.
Impact sur la productivité (ROI)
L’évaluation d’un ROI concernant le projet GCM reste théorique. Une approche possible est le chiffrage du temps gagné par les modifications proposées.
Le temps perdu sur GCM peut s’élever à une demi journée selon les opérateurs sur la saisie des rapports d’activité. Supposons que suite aux améliorations, chaque opérateur gagne 10 minutes par mois par rapport à son utilisation de GCM. Pour 500 opérateurs, cela représente un gain de temps de 12 JH par mois environ à l’échelle de l’entreprise, soit un poste à mi-temps. Le temps d’intervention correspondait à un investissement 4JH par mois en moyenne. Le projet a donc été largement rentabilisé, sachant qu’il a porté sur l’ensemble des modules de l’ERP (recherche de projets, gestion de favoris, tableau de bord, navigation, aide…).
Impact sur la satisfaction utilisateurLa diminution de la frustration des employés est plus difficile à évaluer, mais à chaque amélioration implémentée, les retours sont positifs même s’il reste beaucoup à faire. Un an plus tard, un quart des recommandations est pris en compte et d’autres sont en développement.
Voici quelques exemples d’actions correctives plus ou moins complexes, déjà mises en place.
- Réduire les sources de frustration.
- Clics non pris en comptes (zone cliquable agrandie).
- Actions inutilement complexes (maintenant en un seul clic).
- Accès en un clic aux contenus les plus pertinents (ajout de favoris, écran d’accueil).
- Vue d’ensemble de l’état du système sur un même écran personnalisé (tableau de bord).
- Meilleure structuration des résultats de recherche (ajout de filtres).
- Réduire la sensation d’être démuni, noyé sous la quantité d’information.
- Mise en valeur les informations importantes selon l’activité.
- Simplification des options d’affichage.
- Unifier la navigation dans un seul menu cohérent.
- Impact du projet GCM sur l’organisation de l’entreprise.
Le projet GCM n’a pas eu d’impact direct sur l’approche de l’ergonomie au sein l’entreprise. Elle a toutefois permis une prise de conscience des apports de la recherche utilisateur à la conception de systèmes complexes.
L’intervention ergonomique a fait évoluer la situation de travail et le contexte de l’intervention. La demande a évolué, notamment en remettant en cause la croyance que les modules les plus anciens de l’applicatif nécessitaient des améliorations. Au niveau de l’intervention, cela s’est traduit par l’augmentation des marges de manoeuvre dans un contexte initialement favorable au minimum.
L’investissement dans l’étude et la conception a temporairement été revu à la hausse, toutefois l’investissement en développement n’a pas suivi. La liaison directe entre ergonomie et développement s’est amorcée, mais pas concrétisée sous forme de process officiel et transverse à l’ensemble des projets. Un an plus tard cependant, l’intervention à fait ses petits lors de la refonte d’un intranet, pour lequel la même démarche complète a été mise en oeuvre.
Faire évoluer la vision de l’ergonomie en interne
L’intervention ergonomique a impliqué l’ensemble des opérateurs de l’entreprise soit comme interlocuteur stratégique, soit comme utilisateur final. Dans les deux cas, l’implication directe dans la démarche d’analyse et de conception ergonomique a fait évoluer la vision de ce métier.
Les interlocuteurs, souvent déjà formés aux notions d’accessibilité et aux design patterns reconnaissaient l’ergonomie comme étape de conception - sans toujours trop savoir pourquoi. Le regard de l’ergonome, l’aspect recherche utilisateur et les fondements théoriques de la conception ancrée dans la psychologie était bien moins connue.
Les interlocuteurs ont notamment été surpris par les aspects suivants :Le positionnement entre l’opérateur et la direction
- Les objectifs concurrents qu’il se fixe, entre productivité et confort ancrée dans le concept du schéma à 5 carrés
- La notion de savoir positionné du côté de l’utilisateur et la nécessité de faire de la recherche et d’aller au delà des bonnes pratiques souvent connues des opérateurs
- Les notions de transfert de compétence et de l’analyse de l’activitéLe projet a permis d’aborder ces aspects connexes lors des échanges de façon naturelle, en suscitant la curiosité des interlocuteurs.
L’impact à long terme a été très progressif, mais visible :
- Quelques commerciaux sensibilisés ainsi ont commencé à faire appel aux ergonomes pour vendre des projets de type application métier (versus plutôt les ventes de sites de contenu ou de plateformes e-commerce)
- Plusieurs chefs de projet ont dégagé quelques jours sur leur projet pour intégrer du conseil en ergonomie sur des outils similaires (ERPs, GEDs, etc.)
- Les études utilisateur par contre n’ont pas été plus vendues dans un premier temps, mais leur utilité et principes étaient compris par suffisamment d’interlocuteurs stratégies pour développer une offre.
Identifier ce qui dans la pratique contribue au développement de l’ergonomie
La mise en place de l’intervention ergonomique transforme le terrain en même temps que le travail des opérateurs, et le rend progressivement plus favorable à la mise en place de l’intervention.
Ainsi, l’ensemble des travaux, interactions et résultats ont permis de diffuser le fait que l’ergonomie n’est pas une simple application de principes et de bonnes pratiques, mais est avant tout une question de prise en compte de l’utilisateur, des stratégies qu’il met en place, et que les guidelines, si elles sont utiles, ne suffisent pas toujours pour répondre au besoin.
Le second message qui est passé et a permis d’impliquer un plus grand nombre d’acteurs dans le projet est que l’ergonome n’est pas “à la solde de la direction”. Il se positionne entre les deux pour faire entendre la voix de l’utilisateur et répondre aux besoins des deux parties, qui ne sont pas contradictoires : améliorer le confort contribue également à améliorer également la productivité.
Références et bibliographie
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