Détection de la frustration dans les T.P.S
La « game developers conference », ou GDC est l’occasion pour de nombreux développeurs de jeux vidéo de partager leurs expériences. Cette année encore, il y eut de très nombreuses interventions, dont certaines peuvent être regardées gratuitement à cette adresse.
Celle dont nous allons parler aujourd’hui concerne la frustration du joueur. Elle est menée par Janus Rau Sorensen, « directeur de recherche utilisateur » (User research manager) à IO interactive.
Durant une session de playtests sur le jeu Kane and Lynch 2, un TPS sorti voilà presque 2 ans, Janus Rau Sorensen retrouve un pattern qu’une certaine catégorie de joueurs reproduit :
- Durant leurs parties, ils meurent de façon répété.
- Ils vont de plus en plus vite au fur et à mesure que leurs morts s’accumulent.
- Ils font de moins en moins attention au danger potentiel qui les entoure.
- Ils finissent enfin par prendre le temps de trouver une solution et un chemin adapté afin de s’en sortir, mais leur expérience du jeu est d’ors est déjà insatisfaisante.
Ensuite, il prend l’exemple d’un cercle vicieux, afin de le mettre en parallèle avec l’expérience utilisateur observée ci-dessus. Il nous dit que le stress engendre une perte d’attention, que cette perte d’attention engendre une qualité de travail appauvrie, qui entraine des erreurs, plus de travail, et donc du stress. La boucle est bouclée.
Exemple de cercle vicieux donné par l’auteur De la même manière, on peut détecter une expérience de jeu frustrante en détectant du stress, des erreurs, qui engendrent une perte d’attention et de mauvaises performances en jeu.
Ensemble des éléments perçu par Janus Rau Sorensen provoquant la frustration Afin de détecter la frustration, l’auteur a croisé des méthodes d’analyse quantitative et qualitative. Nous allons nous intéresser aux données quantitatives relevées. Janus Rau Sorensen nous donne cette formule, que nous allons expliquer pas à pas :
tn<tf<tn+1 : ici, « t » est utilisé pour « timestamp ». C’est le temps donné dans une session de jeu. « Tf » est identifié comme le temps de la frustration. Le temps de la frustration est donc compris dans le temps de la session de jeu.
Pd>=2 : « players death ». C’est le nombre de morts du joueur. Il doit être supérieur ou égal à 2.
0<Pdl<20 : « player death length ». Il s’agit de la distance entre deux morts du joueur, mesurée ici dans une unité de distance spécifique au jeu Kane and Lynch 2.
Pmf>Pm : « pace of movement while frustrated » et « pace of movement ». Il s’agit de la mesure de la distance parcourue par seconde. Ici, Janus Rau Sorensen compare la distance parcourue par seconde par le joueur en période de frustration à la distance accomplie par seconde en temps de jeu normal. La distance accomplie par seconde en temps de frustration doit être supérieur à la distance accomplie en temps normal. Autrement dit, le joueur se déplace plus vite lorsqu’il est frustré.
NPCd(tfn+1)<NPCd(tfn) : « number of NPCs killed », où « NPC » est le nombre d’ennemies tués. Le nombre d’ennemis tués lors d’un segment de jeu durant lequel le joueur est frustré doit être inférieur au précédent segment de jeu frustrant.
WApu(tfn+1)<WApu(tfn) : « Weapon or Ammo picked up », ou nombre d’armes et de munitions prises. Tout comme pour les ennemies, le nombre d’armes ou de munitions prises lors d’un segment de jeu durant lequel le joueur est frustré doit être inférieur au précédent segment de jeu frustrant.
Si on résume, le temps de frustration peut être détecté si :
- Le temps de frustration est compris dans la session de jeu.
- Le joueur est mort 2 fois ou plus.
- Le joueur se déplace plus vite lorsqu’il est frustré.
- Le joueur tue de moins en moins d’ennemis et ramasse de moins en moins d’armes et de munitions au fur et à mesure que ses segments de jeu frustrant s’accumulent.
En conclusion, Janus Rau Sorensen nous livre les avantages et limites de son travail. En ce qui concerne les limites, il nous dit que ces mesures sont étroitement liées au jeu Kane and Lynch 2 et au style de jeu TPS (nda : même si on peut assez aisément imaginer une application aux FPS, sans grandes modifications). Ensuite, elles ne permettent pas de mesurer l’amplitude de la frustration ressentie. Enfin, ce travail ne dit pas pourquoi le joueur devient frustré, c’est-à-dire qu’il ne permet pas de briser ce cercle vicieux, seulement de le détecter.
Nous avons vu au travers de cette étude une petite partie du métier d’ergonome dans le jeu vidéo. Au travers d’analyses qualitatives, d’observations et d’entretiens avec ses joueurs, l’auteur a su détecter un problème récurrent et trouver des similitudes afin d’en tirer des mesures quantitatives efficaces et fiables. Son travail ne s’arrêtera pas là : maintenant que le problème est détecté, il faudra trouver les outils qui lui permettront de proposer à l’équipe en charge de la production des solutions efficaces afin de le résoudre.
En somme, le travail de l’ergonome peut être résumé comme suit : détection d’un problème, amélioration du système afin de pallier au problème rencontré, implémentation de l’amélioration dans le système, vérification de l’efficacité de l’amélioration par la disparition du problème détecté.
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