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Réalités Parallèles

Ergonomie et conception de jeu vidéo

Les étapes de l’adhésion à un jeu

  1. Pourquoi il faut maitriser la première impression
    1. 5secondes pour se faire une opinion
    2. L’impression se construit sur le long terme
    3. La première impression modifie toute perception ultérieure
    4. Il vaut mieux que la première impression soit positive
  2. Impressions avant la partie
    1. La présentation du produit
    2. Le lancement du jeu
    3. Les menus et interfaces hors jeu
  3. Pendant la partie
    1. La cinématique d’intro
    2. Le tutoriel
    3. Les premiers niveaux
    4. A chaque sauvegarde
  4. Conclusion

Pourquoi il faut maitriser la première impression

L’effet des premières impressions sur la perception, l’usage et le succès d’un produit sont trop souvent négligées. Pourtant, elles sont bien connues dans nombre de domaines : publicité, conception d’emballages, rendez vous galants, entretiens, rendez vous clients… La première impression est cruciale, les équipes de communication et de marketing l’ont bien compris. Mais pourquoi ? Voici les deux principales raisons de maitriser la première impression que suscite votre jeu chez le joueur.

5secondes pour se faire une opinion

En ergonomie web, on sait qu’un site est évalué en moins de 5 secondes. C’est le temps qu’il faut à un visiteur pour évaluer un site : Est-il sérieux ? Vais-je y trouver ce que je cherche ? Les contenus sont ils fiables ? A travers des indices minimes, l’utilisateur va se faire une première opinion de ce qu’il a sous les yeux, quelle qu’en soit la valeur réelle. Au bout de ces 5 secondes, l’utilisateur a décidé s’il allait regarder le site ou fermer l’onglet. Il en va de même pour les jeux, à chaque étape de sa découverte : articles, teasers, annonces, démos dans des salons, écrans d’installation, lancement et menus, tutoriel et premiers niveaux.Le jeu vidéo laisse plusieurs premières impressionsContrairement à un site, un jeu passe par plusieurs phases d’évaluation, avant l’achat, avec les informations qui l’entourent, à travers une démo jouable et après l’achat, lors de la première partie. On pourrait croire à tort qu’une fois l’achat déclenché, la première impression est déjà passée, mais c’est toujours une redécouverte une fois que l’on a le vrai jeu entre les mains.

L’impression se construit sur le long terme

En termes de marketing également, on pourrait croire le « danger » passé une fois l’achat effectué. Ors cet achat intervient parfois après des mois de teasing. De plus, le jeu est fortement structuré par des communautés de joueurs. Ainsi, un jeu même ayant créé un grand buzz mais qui s’avère finalement très mauvais, aura vite fait de perdre son avantage publicitaire face aux commentaires de joueurs mécontents, c’est pourquoi, il faut continuer à gérer l’impression laissée aux joueurs à long terme.L’impression crée des attentes & influence les attitudesOn le voit bien dans le jeu, les premières impressions suscitent des attentes. Combien de grandes déceptions après des années d’attente, de rumeurs et de teasing. Dès les premières rumeurs, des attentes sont créées. Celles-ci peuvent être très concrètes et factuelles (par exemple, quel type d’univers ou de gameplay on s’attend à trouver), mais également porter un jugement. Ainsi, un jeu très difficile d’emblée créera l’attente d’un certain niveau de challenge. Si le jeu devient plus facile par la suite, cela créera une déception : les joueurs attendant plus de challenge se retrouvent face à un jeu trop facile pour eux, et à l’inverse, les joueurs préférant moins de difficulté auront abandonné avant en se disant que ce jeu n’est pas fait pour eux. Cela impact donc par extension l’attitude des joueurs par rapport au produit : c’est un jeu pour les filles, pour les enfants, très violent, etc.

La première impression modifie toute perception ultérieure

Non seulement, les premières impressions impact les attentes et les attitudes, mais elles entrainent ce que l’on appelle un effet de halo. C’est-à-dire que toutes les informations suivantes seront pondérées en fonction de cette première impression. C’est comme choisir un filtre coloré pour son appareil photo. Une fois le filtre ne place, toutes les photos auront une teinte violette, ou verte, quelle que soit la prise de vue ultérieure. Si la première impression est négative, toutes les suivantes seront conditionnée par cela et perçues plus négativement qu’elles ne le sont. En effet, les défauts seront exagérés comme venant confirmer notre première impression, et les qualités seront au contraire minimisées. A l’inverse, une première impression positive crée un contexte dans lequel des éléments négatifs ultérieurs seront considérées avec plus d’indulgence, ou passeront à l’inverse pour des qualités.

Il vaut mieux que la première impression soit positive

Il est donc important de bien maitriser cette première impression, pour s’assurer qu’elle soit positive, et profiter de son influence bénéfique sur la suite des opérations. Il faut toutefois, en particulier pour le jeu, tenir compte du fait que la première impression n’est pas liée à un seul élément, mais peut survenir aussi bien sur un site spécialisé, dans un article, par un trailer, en magasin, ou au lancement du jeu. Et vous, quand faites vous attention aux premières impressions ?

Impressions avant la partie

Nous avons vu dans l’article précédent l’impact des premières impressions sur les attentes, les attitudes par rapport à un jeu, et la perception ultérieure de ses défauts et qualités.

Cet effet peut être induit par de nombreux aspects du jeu. On pensera pour bien maitriser la première impression à faire particulièrement attention à• La présentation du produit

Nous traiterons également les aspects in game suivants :

La présentation du produit

Avant l’accès au contenu du jeu, le joueur a de nombreuses sources d’informations sur celui ci : news, trailers, screenshots, jaquettes, menu d’installation, manuel, présentation sur une plateforme de téléchargement. On trouve ici une approche très marketing à l’ergonomie touchant à toute la communication en amont de la sortie, des trailers jusqu’aux news et affiches.

Nous avons ainsi vu récemment l’exemple de Dead Island, dont le trailer était très percutant pour créer une première impression forte, mais qui s’avérait trompeur sur l’histoire et le gameplay. Ce trailer avait toutefois la particularité de refléter le vécu et l’ambiance que le jeu voulait susciter, et a réussi en ce sens à créer une première impression favorable.

Le lancement du jeu

Les Premiers écrans, chargement, logos : tout ce que le joueur perçoit avant d’accéder au menu de jeu même va influencer son impression. Quelle est la qualité graphique que l’on peut attendre ? Les développeurs et éditeurs sont-ils connus et réputés ? Y-a-t-il un partenariat avec un fabriquant de cartes graphiques ou son qui laisse entendre qu’un niveau de qualité élevé est à attendre ? etc.Les logos de cartes graphiques au lancement de jeux, ou l’annonce du moteur utilisé créent une attente assez précise sur la qualité graphique atteignable. La possibilité de passer ou non ces publicités en donnent une autre sur la façon dont le jeu traitera le joueur par la suite en termes de contrôle utilisateur.

Les menus et interfaces hors jeu

Les menus eux-mêmes, avant l’accès au jeu donnent un aperçu de la cible visée, de l’attention portée à la prise en compte de l’utilisateur, de la technicité et de l’expérience de gamer attendue du joueur…

Notons ici par exemple l’interface de lancement de Deux Ex 3, qui lors de la création d’une nouvelle partie, ne demande pas si l’on veut le niveau noobzor, normal ou warrior, mais pose plutôt la question de ce qu’apprécie le joueur.

En dédramatisant le choix du niveau de difficulté, il affiche clairement son parti pris pour la cible hardcore gamer, sans pour autant faire fuir ceux qui « apprécient qu’on leur raconte une histoire » par un niveau de difficulté « Lopette » qui remettrait en cause leur virilité et surtout, leur gâcherait la partie en les incitant à choisir un niveau qui ne leur convient pas, à défaut de leur faire quitter le jeu définitivement.

Avez vous d’autres exemples à partager ?

Pendant la partie

Maintenant, la première impression est crée et bien ancrée, et va influencer la perception de tout ce qui suit. Toutefois, les impressions suscitées par les premiers éléments in-game constituent un second niveau de découverte, dans la mesure ou, pour la première fois, on voit vraiment le contenu du jeu, et non son enrobage.

Il s’agit maintenant, non plus de pousser le joueur à acheter le jeu et lancer sa partie, mais bien de ne pas le perdre immédiatement et de l’engager sur le long terme.

La cinématique d’intro

La cinématique d’introduction crée également des attentes en termes de qualité de rendu, mais aussi de gameplay, d’univers de personnalité et profondeur des personnages, de la cible visée, de la difficulté, du type d’aventure qui sera expérimentée…Les cinématiques, même de nos jours restent plus belles que les contenus du jeu. L’écart et largement moins marqué qu’à l’époque d’un temps réel, et le rendu est très proche, mais la quantité de détail et l’effort mis dans la cinématique est souvent plus important que dans le jeu, ou le joueur risque de toute façon de passer à côté de nombre d’éléments.

Cela implique de donner une meilleure impression, qui fera oublier par la suite la quantité moindre de détail. Toutefois, c’est aussi le risque de montrer que le jeu n’est destiné qu’aux joueurs ayant des bêtes de course. Skyrim par exemple, rame particulièrement au début sur les basses configs. Cela n’empêche pas qu’il soit parfaitement jouable par la suite. Le niveau de qualité visuelle reste le même, mais le souci du détail, les effets visuels requis pour rendre épique le lancement créent une impression forte, mais risque par là même de pousser également à l’abandon du jeu une partie des joueurs PC.

Le tutoriel

Les niveaux d’apprentissage sont particulièrement critiques. Il faut trouver le juste milieu entre l’assistance requise pour les débutants et la liberté des joueurs aguerris. Dans les jeux récents, de nouvelles façon d’intégrer l’apprentissage des contrôles et des mécaniques de jeu apparaissent progressivement. Nous les détaillerons par la suite dans un article dédié.

Ce que nous retiendrons ici est que le tutoriel est un moment clé pour tout type de jeu, dans la mesure où un joueur aura tendance à quitter le jeu avant la fin du tutoriel si celui-ci est mal intégré ou trop lourd à passer. C’est d’autant plus vrai dans les jeux sociaux avec lesquels le joueur est encore plus critique par rapport au temps qu’il investira dans le jeu. Si le cap du tutoriel est passé, il y a de fortes chances que le joueur continuera à jouer plusieurs heures au moins.

Les premiers niveaux

Une fois le tutoriel passé, les premiers vrais niveaux vont définir l’opinion finale du joueur sur le produit. Les développeurs l’ont bien compris : on remarquera que dans la majorité des jeux, les premiers niveaux sont particulièrement travaillés que ce soit en termes de richesse visuelle ou scénaristique. C’est le moment de poser les fils conducteurs qui maintiendront le joueur à long terme dans l’univers du jeu et le pousseront à choisir ce jeu plutôt qu’un autre lorsqu’il rallumera sa console. Suite aux premiers niveaux, le premier boss est souvent décisif dans l’abandon précoce d’un produit ludique.

Ainsi, Skyrim a particulièrement fait attention à rendre son tutoriel et ses premières quêtes principales épiques, passant de la soumission simple à une mort inévitable à la survie à une attaque de dragon. Ils en ont tant fait que sur les basses configurations, les premières quêtes deviennent une expérience assez désagréable, quand bien même la suite du jeu est plus fluide et jouable.

A l’inverse, Deux Ex met longtemps à partir, et les premières missions, si elles posent le scénario principal, sont relativement sans intérêt. Ce n’est que lorsqu’on arrive dans la première zone ouverte que le jeu prend vraiment sa saveur. Malheureusement, j’imagine bien 50% des joueurs abandonner au premier boss, celui-ci n’étant pas du tout compatible avec une orientation « sneaky » encouragée tout au long de la partie, et finalement très désavantageuse face à un unique combat inévitable.

A chaque sauvegarde

Le premier boss passé, on peut considérer le public acquis, nous ne sommes plus dans l’adhésion mais plutôt dans l’engagement. A chaque fois que le joueur quitte le jeu, il risque de ne pas y revenir, quand bien même sa dernière impression était positive. C’est ici un travail de design sur les motivations de revenir dans la partie qui prend le relais, en proposant des motivations à court, moyens et long terme.

Conclusion

Finalement, nous avons vu dans cet article que l’adhésion d’un joueur à un jeu repose tant sur les premières impressions, qu’elles apparaissent avant ou après l’acquisition du jeu, mais également sur les impressions ultérieures liées au design, au gameplay et à la jouabilité de ce dernier. A terme, l’ensemble du jeu constitue un objet engageant cohérent d’un bout à l’autre, dont l’objectif est de maintenir le joueur dans une partie et de l’y faire revenir lorsqu’elle est interrompue.

Mais une question demeure, quels sont les outils dont nous disposons pour contribuer à garantir cet engagement ?

Posté par Orsoral le 2012-02-03. Dernière mise à jour le 2024-06-07

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